Le pillage des trésors de la Casbah par la France coloniale demeure un pan méconnu de l’Histoire.
Avec la mise sur rails d’une Commission d’historiens franco-algériens pour tirer au clair le dossier du mémoriel, qui empoisonne les relations entre Alger et Paris depuis 1961, il serait utile de revenir sur la date du 6 Juillet 1830.
C’est une date historique, fatidique pour Alger, fastidieuse pour la France; mais qui comporte des zones d’ombre: comme le fait de savoir ce qui s’est passé en cette date funeste du 5 Juillet 1830.
Le 6 Juillet 1830, le sac d’Alger
Ce jour-là, il se passa beaucoup de choses. La capitulation de la Régence; le dépôt d’armes par les janissaires, le réception du dey chez De Bourmont, mais aussi et surtout: le pillage des trésors de la Casbah.
De notre côté, il serait utile de savoir ce que la postérité littéraire a laissé dans ses écrits et d’en faire une idée. De savoir également à quoi avait servi en France l’argent volé.
Le pillage des trésors de la Casbah
Un historien français, Marcel Emérit, chercha, en 1954, c’est-à-dire en plein début de la Révolution en Algérie, d’autres portes d’entrée pour comprendre 1830. Il en trouva une.
Son travail d’historien avait été colossal et s’était étalé sur de longues années pour découvrir au bout de sa quête la véritable raison de la colonisation de l’Algérie ; il conclut son œuvre en révélant que le débarquement sur le littoral de Sidi Fredj, le 14 juin 1830, n’avait pour seul objectif que celui de faire main basse sur le trésor de la Casbah, qui était considérable à l’époque et pouvait permettre à la France de sortir d’une impasse financière difficile.
La thèse d’Emérit avait été par la suite confortée par Charles-André Julien, en 1964, et beaucoup de gens comprirent alors que le « coup de l’éventail » sur la personne de Pierre Deval, consul de France auprès d’Alger n’a été qu’un prétexte pour faire main-basse sur le trésor d’Alger.
Les faits historiques
Les faits: le 5 juillet 1830, le dey Hussein signa la capitulation d’Alger et l’armée prit le contrôle de la ville.
Le 6 Juillet 1830, une commission composée de l’Intendant général Denniée, du commandant de la place, le général Tholozé et du payeur général Firino, reçut du «khasnadj », les clés du trésor du dey Des scellés furent apposés, mais la nuit suivante, 25.000 à 30.000 francs en lingots d’or disparurent, après le percement d’un mur de la salle de monnayage.
L’inventaire officiel indiqua quelques jours plus tard, que le trésor de la Casbah s’élevait à 48.684.528 francs en monnaies d’or et d’argent. Pourtant, les historiens firent de cet événement un fait mineur et adoptèrent la version officielle selon laquelle, le trésor avait couvert les frais de l’expédition et procuré un bénéfice d’environ 5 millions en monnaies d’or et d’argent, auquel s’ajoutaient le matériel de guerre et d’autres biens saisis.
Plus près de nous, le journaliste d’investigation Pierre Péan, (décédé récemment) reprit le thème dans son livre « Main-basse sur Alger » (Plon, 2004) et confirma que le vol était un des prétextes majeurs qui avaient fait rallier des hommes d’affaires comme les frères Schneider et les Seillière, à l’expédition.
Péan découvre que le trésor, qui fut acheminé en Sardaigne, dans le vieux port de ville franche, le 25 aout 1830, peut être évalué à 5,7 milliards d’euros actuels ; il sera partagé ensuite, dit-il, entre le roi Louis-Philippe, le maréchal De Bourmont, et bien évidemment, les frères Schneider et les Seillière, banquiers qui avaient financé l’expédition militaire.