Rachid Thabti, Rachid Casa (Messaoud Zeggar) et Farid Guellal ont constitué un trio d’agents et de paradiplomates qui ne se répétera certainement plus.
L’Algérie possédait en ce trio une arme redoutable. Rachid Thabti était une légende vivante en son temps.
En 1970, si l’Algérie avait pu reprendre le contrôle de ses hydrocarbures cette année-là, c’est en grande partie grâce aux renseignements de cet homme, qui avait réussi à infiltrer les hautes sphères de l’État français.
Votre journal, revient sur le parcours dont le parcours, époustouflant, vous laissera devinez comment le patriotisme à fleur de peau de cet homme unique, a pu triompher de tout.
Rachid Thabti, un agent 007
Il a été surnommé “le James Bond algérien”. Réputé le plus dangereux des agents secrets de la Sécurité militaire (SM) algérienne, cet homme énigmatique a mis son charme, son charisme et ses multiples talents au service de son pays.
Rachid Thabti a œuvré pour aider l’Algérie à conquérir son indépendance économique en lui fournissant de quoi décréter unilatéralement la nationalisation de son secteur pétrolier.
En vertu des conditions injustes stipulées dans les accords d’Évian, en effet, le jeune État algérien né de la victoire de la révolution menée de 1954 à 1962 ne gérait pas ses hydrocarbures, restés aux mains de la France.
Espion pour la patrie
En 1971, l’Algérie a donc refermé un peu plus le chapitre colonial en nationalisant son secteur pétrolier. La décision est prise [par le président, Houari Boumediene,] après la suspension des négociations par les Français, déroutés par le tour qu’elles ont pris et par la justesse des renseignements dont dispose par la délégation algérienne. C’est que des informations et des documents secrets ont été transmis aux services algériens par Thabti, qui a infiltré des cercles très fermés au sommet de l’État français.
Rachid Thabti est né le 17 mai 1930 dans une famille musulmane aisée de Constantine, dans l’est du pays. Adolescent, il part poursuivre ses études secondaires en métropole chez son oncle Hussein Belaloufi. Une fois son baccalauréat décroché, il s’inscrit à la faculté de droit de l’université de Paris.
C’était un gars bien dans sa peau aussi bien sur les rings que dans sa vie de tous les jours. Elégant et séduisant, ancien champion de France professionnel chez les walters.
En fait, Rachid Thabti qui se faisait aussi appeler Richard est un espion d’un genre bien particulier qui n’a rien à voir avec ces agents secrets exhibitionnistes aussi énigmatiques qu’insondables qui sacrifient plus au spectacle qu’à la discrétion qui sied à ce métier, si tant est que c’en est un.
Il était pilote d’avion, de voiture de course, jockey, acteur, boxeur, étudiant, il avait tellement d’énergie qu’une seule fonction ne lui suffisait pas. Il a même failli avoir une carrière cinématographique extraordinaire. Il avait été retenu pour le casting de Lawrence d’Arabie en concurrence avec Omar Sharif », affirment ceux qui l’ont connu.
Natif de Constantine le 27 mai 1930, Rachid Thabti est un homme-orchestre : étudiant en droit, acteur, boxeur, puis espion. Il a mené tout de front avec le même succès. Quand il a remporté la première ceinture Assane Diouf (qui a remplacé la ceinture Cerdan), c’était la consécration pour cet étudiant à Paris depuis 1951, parrainé par son oncle Ahmed Belaloufi. Il y a terminé ses études, passé son bachot et préparé une licence en droit.
Il voulait faire médecine, mais la passion de la boxe le poussa vers les études juridiques qui lui laissaient davantage de temps pour s’entraîner. Comme il devait également gagner sa vie, il fit du cinéma, de la figuration et des petits rôles dans des films français et américains. Il tourna avec Gina Lollobrigida dans Le Grand jeu, Jean Marais dans Le Comte de Monte Cristo, Marine Carole dans Nana, etc. et, naturellement, il n’oubliait pas la boxe.
Il remporta les championnats de Paris et de France universitaires en 1952-1953, il gagna le Critérium des amateurs en 1954-1955, puis passa professionnel. Sur 14 combats, il en gagna 12 ! Après l’indépendance, il exerça au MAE, puis à Sonatrach où il fut missionné en tant qu’espion.
Comment se procurer des documents officiels?
C’est lui qui put se procurer des documents officiels français avant les rounds de négociation sur la nationalisation des hydrocarbures en 1971. A Paris, il jette son dévolu sur des femmes ciblées, notamment les secrétaires du Quai d’Orsay ayant accès aux documents, tâche facile pour ce dandy charmeur.
Il en séduit une, d’origine grecque, secrétaire du directeur des relations économiques. Elle s’appelle Mlle Halegua Beatrice, 40 ans, qui n’est pas la plus belle pièce de la collection du bel Algérien.
Elle tombe sous son charme. Il lui parlait d’amour avec des fleurs. Elle lui prouvait le sien avec des documents. Plus de 2000 qui tombaient sur les bureaux des responsables algériens.
Le James Bond Algérien habitant un luxueux appartement dans le 16e mis à la disposition de Rachid par les services algériens, et propriétaire d’une Alfa Romeo se faisant appeler le prince de Marmara, Béatrice lui a livré un calque de chacun de ses travaux. Mais comme dans toute affaire d’espionnage, des zones d’ombre persistent bien après le déroulement des faits.
Rachid Thabti permet de connaître le code de l’ambassade de France à Alger ; il connut la dévaluation de 12,50% bien avant qu’elle ne fut décrétée et permit à l’Algérie de changer toutes ses réserves en devises françaises et autres monnaies fortes.
Espion sans chapeau melon ni canne
On apprendra qu’au moment où il était opérationnel, Rachid Thabti reçut une bien étrange proposition du ministère des Affaires étrangères où il a exercé. On lui avait proposé de l’envoyer à Moscou comme premier conseiller. Rachid refusa, mais fut «dénoncé» quelques mois plus tard et arrêté.
La DST finit par le démasquer et il fut condamné à 10 ans de réclusion criminelle pour espionnage économique. Il purgera plus de 2 années de réclusion à la prison de la Santé à Paris et à la centrale de Melun dans le Blockhaus des espions.
Rachid Thabti fut échangé par l’Algérie contre 35 Français emprisonnés en Algérie, dont 11 pour les mêmes faits.